Angelo Musa : Un aller sans retour au pays des gourmandises
Chef pâtissier exécutif de l’Hôtel Plaza Athénée depuis 2016, Angelo Musa a connu, depuis ses titres de Champion du monde de la pâtisserie et de Meilleur Ouvrier de France (MOF), une ascension fulgurante et s’impose aujourd’hui comme un des ténors de la pâtisserie en France et à l’étranger. Nous avons eu la chance de le rencontrer au sein du palace pour parler de sa passion et retracer son parcours sans faute.
Qu’est-ce qui vous a donné envie de vous lancer dans la pâtisserie, alors que vos parents ne travaillaient pas dans le secteur culinaire ?
Mon père était en effet maçon et souhaitait que je l’accompagne car j’avais la force physique pour être sur les chantiers. Mais, à l’époque, je désirais déjà travailler dans les métiers de bouche, sans savoir qu’il y avait des formations en pâtisserie. Je suis donc entré à l’école hôtelière pour apprendre la cuisine. Trois ans plus tard, juste avant de passer mon examen pratique, j’ai eu un accident de moto qui a repoussé le passage de l’examen à la rentrée suivante. Cet épisode a marqué une période d’interrogation sur la suite de mon parcours. Je n’avais plus très envie de poursuivre mes études, j’avais besoin d’apprendre mon métier en travaillant. Finalement j’ai décidé de faire une année de pâtisserie au cours de laquelle j’ai effectué 3 stages, dont un chez Monsieur Claude Bourguignon à Metz. Il a été révélateur et m’a m’aidé à me destiner complètement à la pâtisserie. J’ai eu un vrai coup de foudre pour l’homme et les conditions dans lesquelles je travaillais m’ont permis d’apprendre beaucoup et de m’épanouir. On s’intéressait à moi, je me sentais considéré et tout ce qu’on faisait était passionnant. A tel point qu’au terme du stage, j’ai demandé à Claude Bourguignon de revenir faire un nouveau stage puis ai proposé à ce qu’il m’embauche. Chose qu’il a accepté à la condition que je passe mon CAP pâtisserie. Voilà comment a débuté cette aventure pâtissière.
La formation d’un pâtissier est une étape clé dans une carrière. Comment a-t-elle impacté votre parcours ?
Le stage chez Monsieur Bourguignon a en effet été décisif pour la suite de ma carrière. Au sein de cette maison, on s’est occupé de moi, on m’a enseigné, on m’a expliqué les choses, on m’a donné envie d’apprendre. Il y a eu des moments difficiles bien entendu – il faut se lever très tôt tous les jours, répéter quotidiennement les mêmes gestes… – mais je me suis accroché et j’ai obtenu à l’issue de l’année mon diplôme. Ensuite je suis parti au Luxembourg chez Oberweiss. J’ai véritablement changé de dimension en passant d’une structure d’une vingtaine de pâtissiers à une qui en comptait 200. J’ai senti que l’on me faisait confiance. Ce qui m’a fait grandir et m’amuser de plus en plus pendant les cinq années que j’y ai passées.
Lors de cette période, un souvenir marquant également fut ma rencontre avec Pascal Caffet, Champion du monde et Meilleur Ouvrier de France. Je suis fasciné par l’homme, par sa gestuelle, par sa technicité et sa dextérité. Au culot, je l’ai appelé puis suis allé le voir. Nos différents échanges m’ont permis de rejoindre son équipe 2 ans après. Pascal Caffet est quelqu’un, lui aussi, de très pédagogue, qui m’a pris sous son aile et m’a transmis sa passion et sa vision. Pour ma part, la pâtisserie a été une succession de rencontres qui m’ont énormément apporté. La meilleure façon de remercier toutes les personnes qui m’ont fait confiance, cela a été pour moi de progresser – toujours plus – afin de leur montrer que je pouvais arriver à leur hauteur.
Vous avez obtenu entre autres, les titres de champion du monde de pâtisserie et Meilleurs Ouvrier de France. Outre les titres gagnés, que recherchiez-vous en participant à de nombreuses compétitions ?
J’ai commencé très tôt les compétitions, à 6 mois de métier. Monsieur Bourguignon m’a motivé pour que je participe à mon 1er concours catégorie junior : je l’ai remporté. Puis c’est avec un autre ami pâtissier que j’ai décidé de relever un nouveau challenge. Celui de la Coupe de France où je suis arrivé 16e de la finale. Quatre ans après j’ai retenté ma chance en prenant conscience que je devais mieux m’y préparer. J’ai donc travaillé dur et trouvé des techniques nouvelles qui m’ont permis de remporter le concours. La pièce que j’ai réalisée fait partie de celles dont je suis le plus fier aujourd’hui. Elle a d’ailleurs été très médiatisée dans le milieu de la pâtisserie. Les concours ne sont pas un passage obligé pour réussir mais je pense que j’avais le goût de la compétition ancré en moi, et cela a grandi d’année en année. Ce sont des expériences qui m’ont donné davantage de confiance et m’ont permis d’évoluer techniquement. Au sein de la maison Pascal Caffet, j’ai franchi une autre grosse étape en remportant la Coupe du Monde en 2003, une compétition en équipe (à 3) que nous avons préparée pendant un an. Tout ce que j’ai appris lors de ces compétitions m’a été d’une précieuse aide pour préparer et remporter le concours de Meilleur Ouvrier de France en 2007. C’est beaucoup de travail et de sacrifices, mais j’ai toujours l’impression de gravir un échelon supplémentaire à chaque compétition et dans chaque maison que j’intègre. Cela a été encore une fois le cas en rejoignant en 2016 l’Hôtel Plaza Athénée pour succéder à Christophe Michalak.
Quel était le challenge à relever en arrivant au Plaza Athénée ?
On ne m’a mis aucune barrière. Avec l’équipe du Plaza Athénée, nous nous sommes nourris mutuellement de nos expériences, de nos techniques pour créer une identité pâtissière nouvelle, des gâteaux géniaux.
Au contact de Monsieur Ducasse, nous avons petit à petit dé-sucré les recettes et retravaillé nos créations ou des classiques. Nous mettons tout en œuvre pour avoir le maximum de goût du produit que l’on travaille, qu’il s’agisse d’un fruit ou une épice. La pâtisserie est sans limite, on peut toujours réinventer. Cela fait 30 ans maintenant que j’y évolue et je ne me suis jamais ennuyé.
Selon vous, quels sont les critères pour dire qu’une pâtisserie est réussie ?
Une pâtisserie réussie ? C’est quand une personne la goûte et m’en redemande une seconde ! Ça, pour moi c’est une pâtisserie réussie ! (rires)
Il faut qu’elle soit simple, bien faite et qu’elle soit équilibrée.
Si l’on devait goûter une seule de vos créations, laquelle nous conseillerez-vous ?
C’est impossible ! Il faut toutes les goûter. Elles racontent chacune à leur manière une histoire différente. A chaque fois que je créé un dessert, j’y mets toute ma technicité, mon amour, et je me focalise sur le goût du produit. Je ne saurais vous conseiller !
Votre parcours est exceptionnel, que vous reste-t-il à accomplir ?
Il y a une chose qui est très importante pour moi maintenant, c’est de m’occuper de mes enfants, de les mettre sur la bonne voie, et de les aider à réussir. J’ai bien entendu encore de nombreux projets qui arrivent avec le Plaza, et aussi des projets plus personnels : des ateliers que j’anime à l’étranger dont beaucoup en Asie, la sortie de mon premier livre à l’automne… Humainement, je n’aurai jamais pu imaginer que ce métier me permettrait de vivre toutes ces expériences incroyables et passionnantes !
Angelo Musa en quelques dates :
- 2001 : il remporte la Coupe de France
- 2003 : il devient Champion du Monde de pâtisserie
- 2007 : il obtient le titre de Meilleur Ouvrier de France
- 2009 : Il crée sa société de conseil
- Avril 2016 : Il devient chef Exécutif au Plaza Athénée