Ophélie Chaumat : L’art de la marqueterie de paille

Peintre-décoratrice depuis plus de 20 ans, Ophélie Chaumat a enrichi son savoir-faire en travaillant la marqueterie de paille, un artisanat oublié qui revient petit à petit sur le devant de la scène grâce aux maisons de luxe. Elle revient pour nous sur son parcours ponctué de rencontres et sur sa passion pour la peinture et la décoration.

Ophélie Chaumat, marqueterie de paille

On sent chez vous un éclectisme artistique. Comment êtes-vous arrivée à toucher à différentes formes d’art ?

Depuis longtemps, je suis une grande passionnée de dessin et de peinture. J’ai eu la chance d’intégrer l’école des Beaux-Arts de Paris, et en parallèle de suivre une formation à l’Institut Supérieur de Peinture Décorative Van der Kelen à Bruxelles. Une école reconnue internationalement pour son enseignement de l’art du faux bois et l’art du faux marbre. Mes premiers travaux sur des chantiers m’ont rapidement permis d’utiliser ces techniques.

J’ai beaucoup aimé cette période. Et si la formation Van der Kelen a été très intensive, elle m’a permis de baigner 6 mois dans un univers hors du temps où les maîtres et les élèves étaient encore en blouses. J’y ai rencontré des personnes de tout horizon et de tout pays et ai pu acquérir un savoir-faire unique en trompe l’œil. Cela a été très enrichissant d’apprendre  les différentes techniques de peinture, tel que le glacis. Aujourd’hui j’utilise encore ces techniques dans le cadre de mon activité de peintre en décors, sur des chantiers via des cabinets d’architectes avec qui je collabore pour des résidences privées, show-room…

Il y a une dizaine d’années, vous avez commencé à travailler la marqueterie de paille. Comment êtes-vous arrivée à cette discipline ?

J’ai rencontré Marine Fouquet, Meilleur Ouvrier de France 2007 en marqueterie de paille et qui a monté son propre atelier d’ébénisterie : Maonia. Nous échangions sur nos différents projets et nos savoir-faire respectif et avions envie de collaborer ensemble. Elle m’a invité à essayer la marqueterie de paille et après une période d’initiation, m’a finalement proposé de travailler à ses côtés sur des projets prestigieux. Un des plus importants a été la rénovation de la boutique Guerlain des Champs-Elysées avec la collaboration de Lison de Caunes et sous la direction de l’architecte Peter Marino. Nous avons réalisé un ensemble de panneaux décoratifs intégralement en marqueterie de paille.

Les projets concernent principalement des chantiers de décoration d’intérieurs de très haut de gamme et les grandes maisons de luxe. On découvre cette technique au XVIIe siècle et qui a peu à un peu disparu, la paille étant considérée comme le parent pauvre de la marqueterie de bois. Elle est revenue sur le devant de la scène dans les années 20 avec un des principaux décorateurs français de l’époque, Jean-Michel Frank. C’est également Lison de Caunes, spécialisée en marqueterie de paille qui a contribué à remettre en lumière ce matériau en perpétuant la tradition de son grand-père, le décorateur André Groult.

marqueterie de paille - boite

Qu’est-ce qui vous a plu dans la marqueterie de paille ?

Moi qui avait l’habitude de travailler sur de très grands formats, je suis passée d’un coup au très petit. Contrairement aux chantiers où l’on est en permanence confronté aux bruits et mouvements de tous les corps de métier, avec la marqueterie je me suis retrouvée dans un atelier, au calme, dans une bulle propice à la concentration, au travail sur des réalisations minutieuses. C’est une discipline très apaisante comme le dessin.

J’ai également beaucoup aimé appréhender ce matériau qu’est la paille de seigle. Il faut sélectionner avec précision les brins selon leur longueur, l’intensité de leur couleur, leur brillance… pour réaliser un assemblage parfait. Ensuite, un peu de colle, un pinceau, et de la concentration : on ouvre les brins, on les écrase puis on les encolle directement bord à bord sur le support où on a tracé au préalable les motifs pour enfin couper les brins en fonction de la forme voulue.

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Combien de temps avez-vous mis pour maîtriser parfaitement cet artisanat ?

C’est essentiellement de la pratique. Ma formation de départ de peintre-décorateur n’a pas forcément été un atout pour travailler la marqueterie de paille. Manier un pinceau n’a rien à voir avec l’utilisation précise d’un cutter. Je ne me suis pas sentie à l’aise tout de suite mais j’ai été très bien guidée par ma formatrice. Le fait de devoir travailler très tôt sur des chantiers où je n’avais pas le droit à l’erreur m’a obligé à apprendre rapidement les techniques de découpe, de pose et d’assemblage.

Ophélie Chaumat marqueterie de paille

L’art de la marqueterie de paille a-t-il évolué ?

Oui il y a des expérimentations. Par exemple, on peut poncer la paille. C’est une technique déjà utilisée en marqueterie de bois qui a été transposée. On encolle des superpositions de paille de teintes différentes les unes sur les autres puis on ponce pour retirer la brillance : la couche de silice, et atteindre la perse des autres couleurs de pailles. On peut aussi décolorer la paille, y poser de la feuille d’or, l’appliquer sur du tissu plutôt que sur du bois… il y a beaucoup d’expérimentations mais j’avoue préférer la paille dans sa teinte naturelle et travailler sur les jeux de lumières et de reflets grâce aux multiples techniques d’assemblage.

ophelie Chaumat Marqueterie de paille

Désormais c’est vous qui enseignez la marqueterie de paille. Qu’est-ce qui vous a poussé à former ?

Oui effectivement, je donne des cours à l’atelier l’Etablisienne et chez Lilibricole à Paris depuis quelques années. Je suis arrivée à un point de ma carrière où j’avais envie de partager les recettes et savoir-faire acquis depuis mes débuts et aux côtés des meilleurs. Là encore ce sont des rencontres et des demandes qui m’ont poussé à enseigner. De plus en plus de personnes sont intéressées par la marqueterie de paille, la rénovation des meubles et l’artisanat en général. Elles sont souvent désireuses d’un travail manuel, peut-être pour une reconversion, et découvrir de nouvelles choses. C’est un enrichissement humain de pouvoir transmettre et contribuer à leur initiation.

En savoir + sur l’atelier d’Ophélie Chaumat

Découvrir l’interview du chef-cuisinier Florent Ladeyn