Florent Ladeyn, le goût de la Flandre
À la tête de l’Auberge du Vert Mont à Boeschepe, le restaurant familial qui a reçu une étoile en 2014 et propriétaire du restaurant le Bloempot à Lille, Florent Ladeyn met la Flandre au cœur de ses assiettes. Avec une cuisine 100% locale, le nordiste a fait le choix d’une cuisine audacieuse à l’image de sa personnalité. Entretien avec le jeune chef cuisinier.
Au-delà d’un héritage familial et d’une passion, que représente la cuisine pour vous ?
Florent Ladeyn : Effectivement la cuisine c’est une histoire de famille. Très tôt j’ai été baigné dans cet environnement avec ma grand-mère et le restaurant de mon père. Bien que mes parents m’aient déconseillé de suivre leurs traces, je me suis tout de même engagé sur cette voie et j’ai poursuivi mon rêve. Aujourd’hui la cuisine c’est bien plus qu’une passion. C’est un moyen d’affirmer mes convictions et mes idéaux. C’est également une façon de prendre de véritables engagements. En cuisinant uniquement avec des produits locaux récoltés à moins de 50 kilomètres de mes restaurants, j’ai choisi de défendre et de promouvoir ma région, et de garantir à ma clientèle des aliments de qualité. Il y a une forme de militantisme dans ma démarche. Faire de la cuisine locale c’est refuser des aliments remplis de produits chimiques, c’est refuser des produits importés qui parcourent des milliers de kilomètres et sont parfois cueillis par des mineurs. Pour moi, cuisiner local c’est valoriser les producteurs de la région et arrêter d’enrichir ceux qui nous empoisonnent.
En tant que cuisinier et consommateur, nous avons un véritable pouvoir. Acheter, cuisiner, consommer c’est choisir ! Tout cela ce n’est pas de la politique et des mots en l’air, mais ce sont des actions concrètes, et c’est sur les faits que l’on juge un homme. Je ne milite pas en participant à des manifestations dans les rues. Je préfère agir dans les assiettes. Chaque jour, je sers 200 couverts sans trahir mes convictions. Ce sont des actions simples : en faisant le choix de servir et de manger des produits locaux de qualité, on préserve l’intérêt de tous, du producteur au consommateur, et celui de la région.
Comment est venue cette prise de conscience ?
F. L. : Il n’y a pas eu de véritable évènement déclencheur. C’est plutôt mon cœur et mon côté chauvin qui parlent. Je suis le genre de personne à dire qu’une pomme de terre cueillie à 200 mètres de chez moi, est toujours meilleure qu’une autre qui aura poussé à 200 kilomètres. La prise de conscience c’est surtout de réaliser que je suis un acteur économique de ma région et que je peux faire changer les choses à mon niveau. Les « petits » producteurs et maraîchers chez qui je vais m’approvisionner, le sont eux aussi. Je pense que nous sommes tous responsables du bien-être et du bon fonctionnement de l’environnement dans lequel on vit. La Flandre c’est génial, mais si on veut que notre région reste vivante, il faut une économie dynamique et préserver nos terres.
Cela demande de tisser des liens et un réseau avec les producteurs locaux. Nous sommes dépendants les uns des autres et c’est ensemble que nous contribuons à préserver une certaine dynamique dans la région de Boeschepe.
Vous avez construit un réseau local pour fournir vos 2 restaurants. Comment avez-vous sélectionné les producteurs avec qui vous travaillez ?
F. L. : Pour cuisiner uniquement avec des produits régionaux, il était indispensable pour moi de créer un réseau de producteurs. Cela ne se fait pas du jour au lendemain. Il faut apprendre à mieux connaitre les acteurs locaux et trouver des personnes qui partagent ma vision. Outre la qualité des produits, c’est l’humain qui a été au cœur de ce processus. Je travaille beaucoup avec des amis d’enfance. Nous avons pu nouer des liens solides et établir une relation de confiance. La qualité des produits pour moi c’est le made in Flandre, mais c’est aussi une production responsable.
N’est-ce pas restrictif d’utiliser uniquement des produits locaux ?
F. L. : Au contraire, cela stimule la créativité ! Je suis constamment amené à trouver de nouvelles recettes. J’estime que le confort n’est pas propice à la création. Je pense sincèrement que pour progresser et pour grandir dans la vie, il faut fuir toute forme de confort. Avoir ce que tu veux quand tu veux c’est le meilleur moyen de devenir un enfant gâté. Cuisiner c’est prendre le temps et travailler avec les saisons. Lorsque je reçois un produit de saison, par exemple les premières asperges, je suis heureux. On redécouvre le produit que nous n’avons pas pu cuisiner le reste de l’année.
Au fil du temps j’ai appris à être original et à développer mon style. Travailler les produits de Flandre m’a emmené à orienter ma cuisine vers les herbes, les feuilles et les légumes. Je trouve ça particulièrement stimulant d’utiliser uniquement les produits qui m’entourent. La cuisine locavore me pousse à exploiter pleinement tout le potentiel des produits. Par exemple, peu de gens savent que le brocoli est à la fois un légume et une plante dont le tronc peut être consommé. Avec les normes de la grande distribution, nous oublions la richesse de nos produits.
Après avoir participé à Top Chef en 2013, vous avez reçu une étoile en 2014, quel impact cette récompense a-t-elle eu sur votre vie ?
F. L. : Cette étoile c’est avant tout une reconnaissance plutôt qu’un accomplissement. Bien-sûr c’était une joie de la recevoir, de la fierté aussi. C’est notre cuisine et notre travail du quotidien qui ont été récompensés. Mais cette étoile c’est aussi une responsabilité. Nous devons en prendre soin, nous en occuper et rester à la hauteur de cette distinction. C’est une pression positive et un défi que de la conserver pour toute mon équipe.
Quels sont vos projets futurs ?
F. L. : J’ai l’âme d’un entrepreneur. J’ai besoin d’être actif et d’entreprendre des projets pour me sentir vivre. Dans les prochaines semaines, je compte ouvrir un nouveau restaurant dans le Vieux-Lille : le Bierbuik, qui signifie « ventre à bières ». Ma vision c’est de construire dans la durée et d’être un véritable acteur économique de ma région. Je souhaite crée de l’emploi et emporter dans mon élan tous les producteurs grâce à qui je peux faire la cuisine que j’aime. C’est un cercle vertueux.
Crédit photo : © Caspar Miskin