Arthur Guerin : Jamais à bout de souffle !

 

L’apnée : sport extrême et risqué ? Pas pour ceux qui le pratiquent et qui sont tous unanimes : l’apnée est une pratique qui apporte du bien-être. Ce sport qui nous fascine tant permettrait d’atteindre un équilibre physique et psychique qu’aucune autre discipline n’est capable d’apporter. Ce n’est pas Arthur Guerin Boëri, champion du monde d’apnée dynamique* qui nous dira le contraire. Après avoir battu plusieurs records du monde et relevé le défi de plonger en apnée sous la glace, il espère partager sa passion auprès du plus grand nombre en s’investissant dans plusieurs projets. Le jeune champion français nous a accordé une interview avant la sortie de son livre « Le bien-être sous l’eau » (éditions Genèse).

Vous avez démarré l’apnée en 2010 seulement. Comment avez-vous débuté ?

J’ai toujours fait beaucoup de sport tout au long de ma jeunesse mais avec les études cela a été plus compliqué. Après avoir terminé mon école d’ingénieur du son à Paris, je me suis dit que je ne m’épanouirai pas dans ce métier. J’ai donc tout arrêté et j’ai eu la possibilité de devenir chauffeur de maître. C’était un job exigeant et stressant. J’ai eu envie après plusieurs mois de reprendre le sport pour m’aérer la tête et prendre soin de moi. J’ai tout de suite pensé à la natation et en faisant mes recherches sur Internet je me suis dit : « Pourquoi ne pas chercher un club d’apnée à Paris ? ». Le seul club où il restait de la place était celui de Montreuil, le plus grand club d’Ile-de-France 100% apnée. Je me suis donc inscrit. Depuis mon enfance, j’aime l’eau. C’est un élément dans lequel je me sens bien et pour lequel j’ai toujours eu une attirance inexplicable. C’est un peu cliché mais « Le Grand bleu » m’a beaucoup marqué enfant. L’univers du film me parlait : l’ambiance méditerranéenne (j’ai grandi à Nice), l’image du père, l’histoire de Jacques Mayol et, comme beaucoup de personnes, le côté fascinant de l’apnée. J’étais donc très curieux et impatient de faire mon baptême d’apnée. Ça a été une révélation ! J’ai pris énormément de plaisir et je me suis senti bien tout de suite.

En seulement deux ans, vous êtes devenu champion du monde d’apnée dynamique sans palme à Kazan (Russie) et vous avez battu le record du monde, avec une distance parcourue de 200 mètres : une évolution aussi rapide qu’impressionnante. Comment l’expliquez-vous ?

Après un an de pratique loisir, j’ai décidé de faire de la compétition. De nombreuses personnes du club m’y encourageaient et de mon côté je sentais que j’en étais capable. J’avais envie de me surpasser et de m’accomplir dans quelque chose. J’ai progressé toute l’année avec mon entraîneur Guillaume Lescure. Je battais mon record de 20 à 25 mètres à chaque compétition. Je prenais énormément de plaisir, j’étais confiant et déterminé. L’apnée, c’est 20 % de physique et de technique. Le reste ce n’est que du mental. Si on est fort dans sa tête et que l’on parvient à réconcilier son corps et son esprit, on progresse vite. C’est d’ailleurs pour cela que l’on peut commencer à pratiquer cette discipline tardivement. Contrairement à d’autres apnéistes, je fais très peu de sophrologie ou de méditation. Pour moi l’apnée est déjà une pratique de bien-être. L’apesanteur, le silence sous l’eau, le contact avec l’élément, la glisse, la concentration sur les gestes et sur les sensations, tout cela m’apaise. Je me sens presque dans un état hypnotique. L’apnée m’aide à entretenir mon corps par la nage et à développer ma souplesse. Elle a également des bienfaits physiologiques. C’est une pratique qui m’aide au quotidien à me sentir bien. C’est comme si je faisais du yoga à haute dose et cela me permet de me surpasser.

En mars dernier, vous avez plongé dans un lac gelé en Finlande et réalisé 175 m en apnée sous la glace, battant ainsi le record du monde. Pourquoi vous êtes-vous lancé un tel défi ?

Après avoir battu le record du monde d’apnée dynamique avec palme en juin 2016 (1er homme à atteindre la barre des 300 m), j’étais épuisé mentalement. J’ai eu envie de me divertir, de me lancer dans un projet hors-norme qui permette de rendre plus visible mon sport. Pendant 6 mois, j’ai travaillé avec une équipe de production audiovisuelle et une équipe logistique pour préparer l’expédition et le tournage en Finlande. Nous avons réussi à convaincre la Fédération française d’études et de sports sous-marins (FFESSM) et la Confédération mondiale des activités subaquatiques (CMAS) de nous soutenir. L’apnée reste un sport peu médiatisé et j’ai envie de faire connaître cette pratique qui est bien plus qu’un sport. Même si rester en apnée plusieurs minutes est déjà impressionnant, il faut toujours plus de sensationnel pour en faire parler. Mon défi sous la glace a été diffusé en direct sur Facebook et les images tournées viendront compléter un documentaire sur l’apnée. Il est en cours de finalisation et nous sommes impatients de le dévoiler au grand public en septembre.

Comment avez-vous vécu cette plongée extrême ?

Nager sous la glace a été une aventure extraordinaire. Même si rien ne s’est déroulé comme je l’imaginais, j’ai ressenti des sensations uniques. J’étais beaucoup plus stressé que lorsque je suis en piscine, voire inquiet. Le froid, le fait de savoir que je serai sous la glace, l’inconnu et la perte de mes bagages pendant le voyage ont beaucoup joué sur mon équilibre psychologique. Je me suis même dit que la perte de ma valise était un signe du destin de ne pas faire cette plongée. Je savais que c’était dangereux mais l’envie était plus forte que tout. Cela faisait plusieurs mois que nous préparions ce projet, j’avais une équipe autour de moi, des gens qui allaient me regarder en direct sur Facebook… je ne pouvais pas abandonner. Comme à mon habitude, j’ai fait un gros travail de visualisation avant de plonger. J’ai marché sur la glace le long du parcours en m’imaginant sous l’eau et en essayant de recréer les sensations à chaque étape. Cette phase est très importante pour moi. C’est ce qui me permet d’entrée dans ma bulle, de me concentrer, de me relâcher et d’être dans les meilleures conditions pour entamer mes exercices de relaxation, mes étirements et faire descendre le rythme cardiaque. En plongeant dans une eau à 0 degré, je savais que mon corps ne réagirait pas de la même façon. L’eau froide exacerbe les variations de fréquence cardiaque et l’envie de respirer arrive plus vite. Ça a été le cas ! Dès 40 m (au lieu de 75 – 150 m habituellement), j’ai eu envie de respirer et mes muscles se sont rapidement tétanisés. C’est grâce au mental que j’ai pu atteindre mon objectif des 175 m. Je me suis focalisé sur cette distance. Il faut inonder son cerveau de pensées positives et j’étais sans cesse dans un jeu de questions-réponses entre ma conscience et mon corps pour adapter la nage en fonction de l’état physique et psychique dans lequel je me trouvais.

Vous fixez-vous toujours une distance à atteindre ?

Oui, je me fixe toujours un objectif de distance pour ne pas dépasser mes limites. C’est ma barrière mentale.

Quels sont les prochains défis que vous allez relever ?

J’y réfléchis actuellement. Je vais me concentrer sur la compétition pour le moment. J’aimerai battre le record du monde sans palme au mois de juin à Cagliari en Italie et le porter à 250 m au lieu de 244 m actuellement. J’espère également trouver de nouveaux partenaires pour faire découvrir ma passion à toujours plus de personnes.

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* discipline où il s’agit non pas de descendre au plus profond dans l’eau, mais de parcourir la plus grande distance possible sans reprendre son souffle, avec l’aide ou non d’une monopalme.